Drogues : les dangers du gaz hilarant ou protoxyde d’azote

Quels risques prennent les consommateurs lorsqu’ils inhalent le gaz hilarant ou protoxyde d’azote, en vente libre sous forme de cartouche et largement relayé sur internet ? Clarification et mise en garde.

Drogues les dangers du gaz hilarant

Le protoxyde d’azote, un gaz hilarant

Le gaz hilarant, du protoxyde d’azote, est utilisé en médecine et dans l’industrie, en ce compris alimentaire. En médecine et dentisterie, il est utilisé pour relaxer, voire anesthésier le patient tandis que dans l’industrie alimentaire, on le retrouve entre autres conditionné sous forme de cartouches métalliques. Celles-ci ont un rôle propulseur dans des crèmes telles que la chantilly ou les espumas, sorte de mousses préparées avec l’aide d’un siphon.

C’est sous forme de cartouche que le gaz hilarant est consommé de manière récréative, notamment par des mineurs. Les cartouches sont en vente dans les magasins d’électroménager, dans des supermarchés et sur Internet, sans âge minimum légal de vente.

Inhalation du gaz : effets recherchés 

Le gaz hilarant a un effet psychoactif. Ainsi, en tant que psychotrope, il peut modifier le psychisme et le comportement de celui qui l’inhale. Euphorisant, il provoque essentiellement un état proche de l’ivresse accompagné de rires irrépressibles, d’éventuelles distorsions visuelles et/ou auditives ainsi qu’une modification de la voix.

Mais pas seulement. Les effets secondaires peuvent en effet être variés : nausées, vomissements, maux de tête, crampes abdominales, désorientation, difficulté à parler ou à coordonner ses mouvements, faiblesse musculaire, irrégularités du rythme cardiaque, etc.

Type d’usage et risques associés

La consommation semble être en augmentation chez les jeunes, quoiqu’elle reste de loin inférieure à celle observée pour l’alcool et le cannabis. Selon l’enquête HBSC 2018, environ 3% des élèves wallons et bruxellois scolarisés dans l’enseignement secondaire supérieur (2ème et 3ème degrés) ont déjà consommé du protoxyde d’azote au moins une fois dans leur vie. Il s’agit le plus souvent d’un usage expérimental ou occasionnel.

Dans un rapport couvrant la période 2006-2012, une équipe de chercheurs de l’Université de Londres a compilé les rapports de médecins légistes et comptabilisé 17 décès causés, directement ou indirectement, par l’inhalation de gaz hilarant. Six d’entre eux étaient dus à l’asphyxie provoquée par le manque d’oxygène.

À chaque prise, la personne qui inhale directement à la cartouche risque des brûlures par le froid au niveau du nez, de la bouche et/ou des cordes vocales, d’où la nécessité de préalablement détendre le gaz dans un ballon de baudruche afin qu’il puisse se réchauffer au contact de l’air avant de le consommer. En outre, la possibilité d’un déséquilibre et d’une chute est réelle, avec les conséquences traumatologiques que cela peut avoir.

À usage régulier, l’inhalation peut causer des pertes de mémoire, des troubles de l’érection, des troubles de l’humeur avec une tendance à développer des pensées paranoïaques. Certaines personnes sont également sujettes à des hallucinations visuelles, des troubles du rythme cardiaque, une baisse de la tension artérielle.

L’usage chronique à forte dose risque de provoquer une carence en vitamine B12, ce qui peut affecter la moëlle épinière et causer des sensations de fourmillements aux extrémités des membres et de décharges électriques au niveau de la nuque. Parfois également une anémie (diminution du nombre de globules rouges et pâleur extrême de la peau). Lors d’une overdose se manifestent des troubles moteurs, une altération de la perception, des convulsions, voire une détresse respiratoire pouvant entraîner la mort.

Fort heureusement, dans la grande majorité des cas, les troubles causés sont réversibles. Une minorité de consommateurs pourraient aussi développer une dépendance au produit, bien qu’il soit considéré comme peu addictif en raison des désagréments qu’un usage excessif occasionne (maux de tête, nausées, faiblesse musculaire etc.).

Le seul risque vital est donc l’asphyxie. En effet l’usage médical du protoxyde d’azote est sans danger car les bonbonnes contiennent toujours 50% d’oxygène et 50% de protoxyde d’azote. Les bonbonnes "culinaires" sont remplies quasi exclusivement de protoxyde d’azote sans oxygène. Donc, au mieux, le jeune inhale les 21% d’oxygène ambiant …mais s’il ne respire pas entre quelques bouffées de protoxyde d’azote, il n’a plus aucun apport extérieur en oxygène. Des décès ont aussi été observés à la suite d'une confusion sur le produit (inhalation de dépoussiérant d’ordinateur).  

Insister sur les risques en cas de consommation

Les individus qui souhaitent ou persistent à inhaler le gaz en question doivent être conscients des différents risques : chutes possibles si on est debout, brûlures (par le froid) si on inhale en étant en contact direct avec la cartouche et bien évidemment, si la cartouche est proche d'une flamme.

Et les risques peuvent être plus graves pour les consommateurs qui multiplient les prises, ne respirent pas de l’air entre les prises (risque d’asphyxie), combinent ces inhalations avec d'autres substances psychotropes ou prennent le volant ensuite (somnolence).

Initiatives de prévention

 

L’asbl Transit, centre bruxellois d’accueil et d’hébergement d’urgence spécialisé dans la prise en charge des personnes adultes souffrant d’assuétude, donne des formations sur l’usage du gaz hilarant aux gardiens de la paix de la Région bruxelloise, mais également aux agents de la STIB et à l‘école régionale et intercommunale de Police (ERIP).



L’asbl Modus Vivendi propose quant à elle une formation à destination des publics relais, davantage axée sur la réduction des risques. De manière générale, il est important de soutenir les efforts de prévention via les acteurs de l’aide à la jeunesse (AMO, services de prévention, les programmes de prévention en milieu scolaire…).

Plusieurs villes et communes ont interdit la vente, la détention, l’inhalation et la consommation de protoxyde d’azote sur la voie publique et dans les lieux ouverts au public.

Au niveau fédéral, une proposition de loi visant à interdire la vente aux mineurs a été approuvée par la chambre en février 2021.



Avec la collaboration d’EUROTOX

Frank VAN TRIMPONT

Docteur en médecine



Sources :

Informations produits, Les solvants, Le protoxyde d’azote. Infordrogues

Le protoxyde d’azote (gaz hilarant) : problème de santé publique ou épouvantail médiatique ? Hogge Michaël, Eurotox.

Secunews.be

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